1ère présentation : Jonathan Unger (CBAI – CRAcs) Jonathan Unger travaille au Centre Régional d'Appui à la Cohésion sociale (CBAI – CRAcs) qui a reçu pour mission de la Cocof une fonction de soutien pour une politique de Cohésion Sociale. Cartographie Dans son exposé, Jonathan Unger explique, chiffres et cartes à l'appui, la réalité complexe et plurielle de la jeunesse à Bruxelles. La population jeune à Bruxelles est particulièrement concentrée dans la zone du canal. Cela vaut aussi bien pour les plus jeunes (3 à 6 ans) que pour les adolescents. La part de ces tranches d’âge par rapport à la population totale dans les quartiers de la zone s’approche du double de celle dans les quartiers aisés du sud-est de la Région. La carte du chômage des jeunes dans les différents quartiers est superposable à la carte de la jeunesse. Ce sont les quartiers à proximité du canal qui connaissent un chômage des jeunes important. Cela vaut pour le chômage, mais également pour une série d’indicateurs mesurant la précarité. Si l’on regarde la répartition spatiale d’un regroupement de ces indicateurs – entre autre, le type de diplôme, le taux de chômage, la qualité du logement et de l’environnement – la carte reflète de nouveau celle de la jeunesse à Bruxelles. Parler de la jeunesse à Bruxelles, c’est aussi parler de la précarité. Les écarts sociaux à Bruxelles sont importants et s’accroissent dans le temps. La part des jeunes qui vivent dans des ménages où il n’y a pas de revenu de travail (parents soit au chômage, soit au CPAS) diffère de manière importante entre les communes. A Watermael-Boitsfort, 23% des jeunes vivent dans des ménages sans revenu de travail. Ceci est déjà élevé. Or, dans les quartiers de la zone du canal, cette valeur atteint plus de 40%. Cela veut dire que presque un jeune sur deux vit dans un ménage où les parents ne sont, ni l’un ni l’autre, au travail. Cela pose des questions ! Dans notre société, la consommation reste un marqueur social important. Un jeune qui grandit dans un ménage où il n’y a pas de capacité de consommation risque l’exclusion de la vie sociale Le rapport entre l’âge et la part des jeunes qui continuent à habiter chez leurs parents est également parlant. A 17 ans, la majorité des jeunes habitent encore chez les parents. Quand ils grandissent, ils s’émancipent et quittent le noyau familial. A l’âge de 25 ans, la part des jeunes qui habitent encore au domicile parental n’est plus la même dans les différents quartiers. Dans les quartiers de la zone du canal, des parts importants des jeunes n’ont pas encore quitté le domicile familial. La même situation peut être observée dans les quartiers aisés, mais les moteurs de ces stratégies résidentielles sont tout à fait différents. Les jeunes des quartiers précarisés qui continuent à vivre chez leurs parents habitent dans des logements sur-occupés, chez des parents qui sont mal insérés sur le marché de l’emploi. Ce sont des jeunes qui eux-mêmes ont des difficultés à s’insérer sur le marché de l’emploi. Les jeunes qui continuent à habiter chez leurs parents dans les quartiers favorisés, eux, ne rencontrent pas ces problèmes-là. Ils continuent à habiter chez leurs parents parce que c’est bien plus pratique parfois d’habiter avec ses parents. Ce sont ceux qui ont un diplôme universitaire, ou qui sont en train de l’avoir, et qui font le choix de continuer à habiter chez leurs parents. Cette situation de la jeunesse est rendue problématique par une reproduction sociale qui, à Bruxelles, reste très importante. 80% des enfants d’une mère qui est universitaire sont inscrits dans une filière générale, tandis que moins de 5% se retrouvent dans des filières techniques ou professionnelles. En revanche, quand la mère n’a pas de diplôme primaire, seulement 23% des jeunes fréquentent l’enseignement général et 76% l’enseignement technique ou professionnel. Or, ces diplômes n’ont pas une valeur égale sur le marché de l’emploi. Ils ne permettent par exemple pas de la même manière d’avoir accès à l’université. En résulte une série de faits. En ce qui concerne les 18-22 ans, la part des jeunes qui a un diplôme qui leur permet d’avoir accès à l’université est de 80% dans les quartiers les plus aisés par rapport à 45% dans les quartiers les plus précarisés. Parmi ceux qui ont un diplôme qui leur permet de faire des études supérieures, 75% des jeunes dans les quartiers les plus aisés vont effectivement le faire, versus seulement 45% des jeunes dans les quartiers les plus précarisés. Au total, dans les quartiers précarisés, 7% des jeunes suivent une formation universitaire, contre 40% dans les quartiers les plus aisés. Cela illustre de l’amplitude des disparités sociales qui traversent un territoire aussi restreint que Bruxelles. Souvent, la formation est présentée comme une solution. Effectivement, un diplôme universitaire donne à son titulaire une chance d’avoir un emploi plus importante que quand on n’a pas de diplôme ou un diplôme du primaire. Ceci est vrai dans toutes les régions de Belgique, y compris Bruxelles. Or, un diplôme ne garantit pas un emploi. Il constitue seulement un avantage par rapport à des gens avec un diplôme inférieur. Ce n’est pas parce que la population est mieux formée que des emplois sont créés. A Saint-Josse et à Molenbeek, autour de 30% des élèves sont inscrits dans l’enseignement général, contre 70% des élèves dans les deux Woluwe. Le monde de l’école doit être questionné à Bruxelles. Or, les choses ne sont pas aussi simples. Si on regarde le taux de chômage à diplôme égal, on voit que dans les quartiers précarisés, à diplôme égal, la probabilité d’être au chômage est bien supérieure à ce qu’on observe dans les quartiers aisés. Et de même pour les personnes diplômées du supérieur. Quand on réside dans la partie précarisée de Bruxelles, il y a des difficultés d’accéder à l’emploi, même avec un diplôme supérieur. Cela s’explique entre autre par la discrimination et par la difficulté à intégrer des réseaux. La part des gens qui sont peu formés décroît dans le temps, indubitablement, d’environ 40% en 1993 à 25% en 2009. La part des gens qui sont au chômage reste stable, entre 13 et 17%. En conclusion, il faut former les jeunes et il faut créer de l’emploi, mais ce n’est pas en formant mieux les jeunes que de facto on crée de l’emploi. Il faut rendre cet emploi accessible aux jeunes. Il y a des problèmes de discrimination. Mais surtout, il faut penser d’autres moyens pour ces jeunes d’accéder à une fonctionnalité sociale. Peut-être que parfois on se trompe en raisonnant uniquement en termes d’emploi. Il y a d’autre chose à faire avec ces jeunes, ces jeunes adultes, pour les aider à acquérir une fonctionnalité sociale.
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